Les banques d’images au service de votre communication professionnelle ?

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Les banques d’images au service de votre communication professionnelle ?

Les banques d’images au service de votre communication professionnelle ?

Une question juridique se pose régulièrement sur Internet, lorsqu’un professionnel de l’image - quel que soit son statut - s’aperçoit que l’un de ses concurrents utilise, pour sa propre communication, des photographies issues de banques d’images. Les banques d’images servent sans difficulté juridique pour illustrer toutes autres activités professionnelles, puisque le public visé par ces autres professionnels n’est pas du public désireux de contacter un photographe et/ou un vidéaste en fonction de ses talents et compétences. Mais lorsque le professionnel est contacté, précisément, pour fournir des photos ou des vidéos, montrer ses propres compétences semble être un minimum. Cette appréciation « de bon sens » est-elle confortée juridiquement ? Et si oui, sur quelle base et avec quelles conséquences ? C’est l’objet de l’article que je vous propose ci-dessous.
I - Risque principal : le risque contractuel

Le contrat qui est conclu entre le photographe et ses clients (futurs mariés ou autres), quelle que soit la forme qu’il prend, est toujours soumis aux règles générales du droit des contrats. 

Parmi celles-ci, il faut essentiellement citer les règles relatives aux vices de consentement. 

La base légale se trouve dans les articles 1130 et suivants du Code civil. Je n’en citerai qu’un seul, qui est le point de départ des explications qui vont suivre : 

« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. » (Art. 1130 du Code civil). 

Prenons à présent un exemple concret : 

  • Madame et Monsieur A font appel à un photographe, trouvé en fonction de la qualité des photos qu’il présente sur son site.
  • Ils signent avec lui un contrat, et la cérémonie se passe.
  • A tort ou à raison, ils sont ensuite déçus de la qualité des photos livrées par le photographe et au fil du litige, s’aperçoivent que ces photos étaient issues d’une ou plusieurs banques d’images, ce qui les a amenés à contracter avec lui.
  • Ils transmettent alors l’information et les preuves à un avocat. 

Au nom des mariés, l’avocat pourrait potentiellement invoquer deux vices de consentement, selon les éléments du dossier. 

   A) L’erreur

Le Code civil précise que l’erreur « de droit ou de fait » peut entraîner la nullité du contrat, notamment lorsqu’elle porte « sur les qualités essentielles de la prestation due OU sur celles du cocontractant » (Art. 1132 C.c.). Cette erreur n’entraînera la nullité que « dans les contrats conclus en considération de la personne » (Art. 1134 C.c.), condition qui me semble aussi remplie dans l’exemple qui nous occupe.

Le fait que le photographe ne soit pas l’auteur des photos qui ont servi à « démontrer » ses talents me semble être « essentielle » sur la qualité de ce photographe. 

Si le juge saisi par les mariés partage mon avis, le contrat sera annulé. Les parties devront être replacées dans la situation où elles étaient avant la signature du contrat, ce qui implique déjà, à tout le moins, le remboursement des montants payés. 

À cela s’ajoute le préjudice lié à l’absence (ou à l’insuffisance) des photos livrées, et donc la mise en œuvre de la responsabilité civile contractuelle du photographe, qui peut déboucher sur des dommages et intérêts. 

   B) Le dol

Le dol est un autre vice de consentement, consistant dans « le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
 Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
» (Art. 1137 al 1er du Code civil). 

Reprenons notre exemple pour illustrer l’importance de cette disposition légale. 

  • Lors du premier rendez-vous entre les futurs mariés et le photographe, les premiers expliquent au second qu’ils ont adoré les photos vues sur son site. Ils ajoutent éventuellement qu’ils ont approché d’autres photographes un peu moins chers, mais que leur coup de cœur pour les photos exposées les ont décidés à faire appel à lui.
  • Le photographe, pendant toute la durée du rendez-vous (et plus tard) n’informe JAMAIS les mariés de ce que les photos qu’il montre sur son site ne sont pas les siennes.

Dans ce cas de figure, il est évident que ce sont bien les photos exposées qui ont déterminé les mariés à faire appel à lui. S’il ne les informe pas de l’origine réelle des photos, il s’agit d’une dissimulation intentionnelle… et donc potentiellement d’un dol. 

   C) Conséquences de l’existence d’un vice de consentement

Enfin, notez que la sanction d’un vice de consentement – lorsque celui-ci est avéré et considéré comme tel par un juge – est la nullité du contrat. Cette nullité est « relative », dans le sens où seule la partie préjudiciée (ici vos clients, dans l’hypothèse que nous envisageons) peut solliciter la nullité.

Sur le plan contractuel, il me semble que les risques sont réels et très concrets que les mariés obtiennent l’annulation du contrat sur l’un et/ou l’autre des deux fondements détaillés ci-dessus.

II - Risque non négligeable : atteinte aux règles du droit de la consommation

On peut aussi s’interroger sur l’éventuelle violation des règles du droit de la consommation, et plus précisément des règles relatives aux pratiques commerciales trompeuses.

Ces « pratiques commerciales déloyales » sont visées par l’article L121-1 du Code de la consommation

Une définition relativement large en est déjà donnée par cet article, lorsqu'il précise « qu'une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. » (Art. L121-1 al. 2 du Code de la consommation). 

Des précisions sont ensuite apportées par les articles L121-2 à L121-4 du même Code qui prévoit quant à lui que « 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

/.../ f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; »

Que fait le photographe, dans notre exemple, si ce n'est tromper ses clients sur « ses qualités » et « ses aptitudes » ? 

III - Risque pénal ? 

Sur le plan pénal, il peut être utile de se pencher sur le délit d’escroquerie.

En vertu de l'article 313-1 du Code pénal, « l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. »

Selon les éléments du dossier, il me semble imaginable que dans certains cas graves, les mariés tentent de faire reconnaître l'existence d'une escroquerie. Il appartiendra alors au juge pénal, selon les circonstances, d'apprécier si le délit est avéré ou non.

IV - Risque parallèle potentiel en cas d’irrespect des licences concédées par les banques d’images

Enfin, le photographe qui s’engagerait sur cette pente glissante sera aussi bien avisé de vérifier l’étendue des licences concédées sur les banques d’images dans lesquelles il se procure les photos qui seront ensuite utilisées pour sa propre communication.

Dans l’hypothèse où l’auteur d’une photo placée dans une banque d’images définit l’étendue de l’utilisation à laquelle il consent, il peut par exemple autoriser les utilisations à des fins privées, ou à des fins d’information, mais sans autoriser les utilisations commerciales. En outre, la mention du nom de l’auteur est en principe toujours obligatoire en vertu du droit français (quelle que soit l’exigence du photographe lui-même au moment où il accepte de partager sa photo). Par hypothèse, si le photographe de notre exemple usurpe la qualité d’auteur des photos qui servent pour sa communication, il ne mentionnera jamais le nom de l’auteur réel. Et dès lors, il portera à tout le moins atteinte aux droits moraux du photographe (sans parler même des éventuelles modifications des photos ou de l’hypothèse d’une utilisation excédant les limites de la licence concédée). 

*     *     *

Tout ceci étant posé, je ne peux donc que conseiller à tout photographe qui penserait à s’engager sur cette voie de reconsidérer très sérieusement sa position. Ou d’admettre qu’il s’expose à d’importants risques en cas de conflit.

Joëlle Verbrugge – Avocate & photographe
www.droit-et-photographie.com