Que faire en cas de vol de photos ?

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Que faire en cas de vol de photos ?

Que faire en cas de vol de photos ?

Le photographe professionnel se sent souvent démuni lorsqu’il constate qu’une ou plusieurs de ses photos ont été utilisées illégalement par un tiers, quel qu’il soit. Dans cet article rédigé par Joëlle Verbrugge, un rapide survol des premiers gestes à poser vous est proposé.
Orientant mes propos essentiellement vers l’activité des artisans-photographes, je vais distinguer les hypothèses de contrefaçon selon la nature de la personne ou de la structure qui utilise illégalement vos photos, puisque les solutions à apporter ne sont pas toujours identiques.

Juridiquement, il s’agit en réalité de « contrefaçon », et non de « vol » au sens de la terminologie pénale. Cette infraction est un délit prévu par le Code de la propriété intellectuelle, et susceptible de poursuites devant le tribunal correctionnel. La partie préjudiciée peut aussi choisir d’introduire une procédure purement civile (ce qui est généralement préféré). 

Le délai pour agir est de : 

  • 6 ans en matière pénale, à compter de la date de l’infraction 
  • 5 ans pour une procédure civile, à partir du jour de l’infraction ou, plus difficile à démontrer, du jour où la partie qui s’en plaint (vous !) avez eu connaissance de l’infraction. Cette exception étant d’utilisation très délicate, mieux vaut agir dans les 5 ans de l’utilisation de la contrefaçon constatée. Pour ce type de procédure, seuls 10 tribunaux peuvent être saisis sur tout le territoire, en fonction de règles de répartition un peu complexes (voir cet article de mon blog)

Prendre quelques précautions avant toute chose


Quelle que soit l’identité de votre adversaire, quelques précautions doivent être prises avant d’envisager la moindre mise en demeure ou, ensuite, action en justice.

Étape 1 – Constituez-vous des preuves

Il est primordial de TOUJOURS commencer par constituer proprement votre dossier, quelle que soit la voie que vous souhaitez suivre ensuite (tentatives d’accord amiable uniquement ou procédure éventuelle). Ne foncez jamais tête baissée sans avoir dans un premier temps préparé et récolté les preuves suivantes.

1. Récoltez la preuve de l’infraction elle-même, tant qu’elle est encore visible

Le plus urgent est de récolter les preuves de l’infraction elle-même. Si l’utilisation est constatée sur un site Internet, il peut être utile dans certains cas de faire établir un constat d’huissier, car la simple capture d’écran ne suffirait pas devant un juge. Toutefois, ces constats sont assez onéreux, de telle sorte qu’il faut peser les intérêts en jeu. Une contrefaçon importante qui, par ailleurs, génère pour l’utilisateur indélicat un profit direct, peut justifier de faire appel sans hésiter à un huissier.

Après avoir identifié la principale utilisation, fouillez sur Internet. Explorez les comptes de réseaux sociaux de la personne concernée. S’il s’agit d’une reproduction sur des objets vendus, regardez également sur les plateformes type Amazon, Cdiscount etc. si elle n’a pas, là aussi, créé un point de vente et utilisé votre photo pour sa promotion. Si l’utilisateur exploite des points de vente physiques, essayez d’aller voir sur place si ce n’est pas trop éloigné de chez vous, ou de trouver un autre photographe sur Internet qui pourrait s’y rendre pour vérifier si votre photo n’est pas, aussi, utilisée dans l’une ou l’autre boutique.

S’il s’agit d’une utilisation dans la presse, procurez-vous s’il est encore temps un exemplaire du journal ou du magazine, et vérifiez également si celui-ci est en vente en version PDF (ce sera généralement le cas). 

En d’autres termes : menez votre enquête !

Explorez tous les supports sur lesquels votre adversaire est susceptible d’avoir utilisé votre photo. Si vous constatez un affichage public, gardez aussi à l’esprit que celui-ci sera généralement d’une durée limitée, et contactez rapidement un huissier à proximité de l’un des lieux d’affichage pour réaliser un constat. 

Vous pouvez également vous faire établir, pour compléter, des attestations sur l’honneur par des témoins. Veillez alors à utiliser un modèle d’attestation conforme au Code de procédure civile (modèle disponible ici : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R11307).

2. Prouvez que vous êtes l’auteur de la photographie concernée

Dans le même temps, ou juste après votre travail d’enquête sur l’étendue de la contrefaçon, réunissez également les éléments qui prouvent que vous êtes bien l’auteur de la photo. 

Il peut s’agir : 

  • Du fichier brut de la photo
  • D’une capture d’écran montrant la photo dans la série dont elle est issue, si vous en avez fait plusieurs le même jour.
  • Si vous avez déjà publié la photo antérieurement (ce qui est probablement le cas, puisque le contrefacteur a bien dû la récupérer quelque part), la liste des sites/articles de presse/livres/galeries en ligne, etc. où cette publication a eu lieu

Ces éléments vous seront indispensables pour toute mise en demeure et toute procédure ultérieure éventuelle. Plus vous en aurez, plus vous réduirez, ensuite, les discussions sur la réalité de votre qualité d’auteur de l’œuvre.

Étape 2 – Chiffrez votre préjudice

Une mise en demeure est une étape importante dans un litige de ce genre. L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire, mais dans tous les cas veillez à chiffrer proprement votre préjudice, avec une évaluation aussi argumentée et précise que possible. 

Si vous commencez par chiffrer approximativement, en privilégiant un montant très réduit pour faciliter une solution amiable, le risque majeur sera qu’en cas de procédure ultérieure, cette mise en demeure vous sera opposée pour refuser une augmentation du préjudice sollicité. Il faut donc être complet dès le départ, quitte à réduire ensuite pendant la négociation. 

Pour vous aider, vous pouvez vous servir des barèmes professionnels tels que ceux édités par l’UPP, ou ceux qui sont disponibles sur le site de la SAIF ou de l’ADAGP, deux sociétés de gestion des droits collectifs. Ils ont le mérite d’être gratuits et accessibles à tous, mais ils sont moins complets que ceux de l’UPP. À vous de choisir.

Ces explications sont surtout valables pour les photos utilisées par un tiers dans le cadre de sa propre communication professionnelle. Si la contrefaçon est le fait d’un particulier qui a « juste » dépassé les limites d’une autorisation qui lui avait été donnée (par exemple des particuliers à qui vous avez vendu des séances familiales ou des photos de mariage), la question du préjudice devra être adaptée au cas par cas.

QUE FAIRE ?


Dans tous les cas, l’utilisation de vos photos sans votre autorisation est susceptible de constituer une contrefaçon. Parfois s’y ajoute également la possibilité d’agir sur un fondement différent, notamment lorsque l’utilisation illégale est faite par un professionnel, qu’il soit photographe ou non.

1. Une utilisation illégale par l’un de vos clients non-professionnel (mariés, familles, etc.)

Les reproches que vous formulerez à vos clients non-professionnels, s’ils sont bien sûr en lien avec l’atteinte à vos droits d’auteur (patrimoniaux et moraux), aboutira le plus souvent à leur demander de cesser l’utilisation qui n’a pas été autorisée par contrat. 

La difficulté réside souvent dans la nécessité de ne pas créer de conflit aigu avec des personnes qui étaient clientes et qui pourraient le rester ensuite. C’est la raison pour laquelle dans bien des cas, les photographes renoncent à adresser quelque mise en demeure que ce soit, de peur d’une mauvaise publicité qui leur serait faite malgré qu’ils sont manifestement dans leur droit. 

Pour éviter cette situation, une information complète dès le contrat signé, avant l’exécution de la commande, est bien souvent un mode de prévention efficace.

Mais dans tous les cas, si l’utilisation par les (ex) clients est trop préjudiciable (je pense par exemple à l’hypothèse de la modification de vos photos à l’aide de filtres instagram ou autres dégradant totalement la qualité des photos, et à une large diffusion avec votre nom, ce qui vous crée une publicité très négative. 

Il faudra donc allier pédagogie et fermeté.

2. Utilisation par un photographe concurrent

Venons à présent à l’hypothèse dans laquelle un autre photographe, pour faire sa propre publicité, utilise vos photos (éventuellement après les avoir modifiées), bien sûr sans indication de votre nom.

Vous disposez de deux angles d’attaque : 

  • Soit l’angle de la contrefaçon à proprement parler. Dans ce cas, vous procéderez comme indiqué plus haut, en chiffrant votre préjudice en fonction de l’importance des utilisations qui ont été constatées.
Comme pour tout litige de contrefaçon, et outre les preuves réunies préalablement (voir plus haut), vous devrez aussi, si l’affaire est un jour soumise à une juridiction, démontrer que vos photos sont « originales », c’est-à-dire qu’elles portent, selon la formule consacrée, « l’empreinte de votre personnalité ». Cette notion fait souvent couler beaucoup d’encre, mais rien n’empêche qu’ne photo de mariage ou une photo familiale remplisse cette condition. Ce sera à vous, photographe, de démontrer les choix créatifs que vous avez opérés.

  • Soit l’angle, plus commercial, de ce que l’on nomme « concurrence déloyale ». En effet, votre concurrent s’approprie votre savoir-faire commet incontestablement un acte de concurrence déloyale. Cette voie procédurale ne vous oblige plus à démontrer l’originalité des photos, et au surplus, n’est plus soumise aux contraintes évoquées plus haut quant à la compétence des tribunaux. 

Au moment d’introduire une action en justice, vous envisagerez avec votre avocat la voie qui semble la plus adaptée pour ce litige précis. Il est impossible de donner à ce niveau des conseils qui soient valables pour tous les cas de figure.

3. Utilisation par un autre professionnel non-photographe dans un but de communication d’entreprise

Enfin, il peut arriver – fréquemment ! – que l’une de vos photos soit utilisée par un professionnel d’un autre secteur économique, quel qu’il soit.

Vous disposez à nouveau de deux angles d’attaque : 

  • La voie de la contrefaçon, comme évoqué plus haut.
  • Ou, bien qu’il ne s’agisse pas directement d’un de vos concurrents, une solution également ouverte sur le champ commercial sur la base de ce que l’on nomme « parasitisme économique ». C’est également une forme de concurrence déloyale, qui consiste à tirer avantage des ressources, savoir-faire et investissements d’un professionnel (vous, dans mon exemple), « sans bourse délier » (c’est le terme utilisé par les tribunaux) pour en retirer un avantage direct ou indirect. Tout professionnel qui s’épargne ainsi le coût d’une commande en bonne et due forme pour utiliser vos photos dans un but de communication, ou même de vente de produits, se rend donc coupable – quel que soit son secteur d’activité – d’un acte de parasitisme.

Au moment d’introduire une action en justice, vous envisagerez avec votre avocat la voie qui semble la plus adaptée pour ce litige précis. Il est impossible de donner à ce niveau des conseils qui soient valables pour tous les cas de figure.

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Dans tous les cas, une mise en demeure doit toujours précéder toute action en justice, sous peine d’irrecevabilité de l’action. La voie amiable est donc non seulement à conseiller, mais elle est aussi un passage obligé. 

Notons également que si, sur votre photo, apparaissent des personnes reconnaissables (par hypothèse vos clients), il sera utile d’une part de les prévenir, mais aussi, d’autre part, qu’ils se joignent à votre action dans la mesure où une atteinte est également portée à leur droit à l’image : ils vous ont autorisé à utiliser les photos, mais n’ont pas autorisé votre confrère indélicat ! L’alliance ainsi formée dès le moment de la mise en demeure peut amener le photographe peu scrupuleux à accepter plus facilement une solution amiable, de peur des conséquences d’une double procédure.

J’espère vous avoir déjà permis de mieux cerner les priorités à mettre en place en cas de contrefaçon constatée.

Joëlle Verbrugge

Pour aller (beaucoup) plus loin si vous le souhaitez, je vous suggère cette lecture :